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Femme au Tchad : Jean Bosco Manga adresse un message à la femme tchadienne

Jean-Bosco Manga est un citoyen assidûment actif. Très tôt le matin alors que nous nous rendions chez lui pour réaliser son portrait, il est déjà en avance, prêt et sur le point d’aller au travail. Responsable des Ressources Humaine, enseignant, puis écrivain, ensuite journaliste, Jean Bosco est un personnage public simple et accessibilité. C’est d’ailleurs avec cette même simplicité  qu’il nous ouvre, aujourd’hui, la porte de sa maison. L’occasion pour nous de lui poser quelques questions et d’en savoir plus sur lui.

Qui est Jean-Bosco Manga ?

Juriste de formation et Journaliste autodidacte, je fûs, entre autres, Responsable des Ressources Humaines de l’Hôtel Mercure “Le Chari” de N’Djaména, Responsable Monitoring, Appui-conseils et Accompagnement du Groupe de Recherches Alternatives et de Monitoring du Projet Pétrole Tchad-Cameroun (GRAMP-TC), Correspondant local de la Radio Internationale ‘’Deutsche Welle’’ (Voix de l’Allemagne) au Tchad. Enseignant vacataire, j’avais dispensé des cours de Droit dans plusieurs Instituts d’Enseignements Supérieurs au pays. Actuellement, je fais des consultances pour certaines sociétés. Je suis aussi écrivain, auteur de six ouvrages didactiques et de fiction.

Comment définissez-vous la femme tchadienne ? Quel est le modèle  de vos aspirations? 

On ne peut définir la femme tchadienne sans faire allusion à la famille africaine de manière générale et celle tchadienne en particulier, qui est un lieu d’inculcation des valeurs humaines essentielles. Et ce sont les femmes qui transmettent les valeurs sociales et culturelles à leurs enfants, dès le jeune âge, au moyen d’expressions telles que le chant, la danse, les contes, pour ne citer que celles-là. En dépit des tentatives de confinement dans des secteurs sociaux peu porteurs, aujourd’hui, la femme tchadienne est parvenue, avec une ingéniosité extraordinaire, à transformer les handicaps en atouts. Le modèle de mes aspirations c’est ma Mère évidemment. C’est cette femme, mère et épouse qui m’a donné la vie, m’a nourrit dès mes premières heures sur terre, qui a guidé mes premiers pas et a commencé à m’éduquer. La mère tchadienne d’une manière générale, à l’instar des autres mères africaines d’ailleurs c’est à la fois pour la progéniture que nous sommes, un statut, une fonction et un titre. Une mère occupe partout et en tous temps une place centrale dans notre vie. L’importance donnée à la Mère universelle. Et celle de chacun de nous est évidemment la meilleure au monde !

Quelle est votre vision de la femme émancipée selon notre contexte

Ma vision de la femme émancipée c’est celle dégagée à Beijing où chaque fille et chaque femme pouvait vivre librement et faire ses propres choix, vivre sans craintes de violence, aller à l’école, participer aux prises de décisions, exprimer sa volonté et recevoir un salaire égal pour un travail égale. Aujourd’hui, il y a la nécessité d’une approche beaucoup plus proactive à tous les niveaux pour faire de l’égalité des genres une réalité, notamment dans les domaines politique et économique, parce que plus on œuvre pour l’autonomisation de la femme, dans le domaine économique, plus leur autonomisation politique et sociale sera un succès. Il faut relier les droits des femmes au développement et améliorer leurs capacités à cet effet.

Selon vous, quel est le plan que la femme tchadienne doit envisager pour atteindre l’autonomisation et s’épanouir dans la société. En quoi l’art peut être un outil de developpement à la femme?

Aujourd’hui, nous sommes d’accord qu’autonomiser la femme, c’est contribuer au développement. Lorsque la femme se voit garantir l’accès aux services et l’égalité des droits, c’est l’ensemble de la communauté qui en bénéficie, en termes de développement de l’éducation, de la santé, des revenus et de l’engagement communautaire et politique.

De façon concrète, sur le plan institutionnel, il faut rationaliser la création, au niveau national, des structures ayant en charge la micro finance pour la promotion de l’entreprenariat féminin avec des structures de relais dans les Provinces, favoriser leur synergie d’action, amener les fonds de Promotion Economique à s’intéresser aux actions des groupements féminins. Il faut aussi renforcer les capacités des femmes en gestion développement organisationnel, leadership/management des petits projets. Et enfin, il faut favoriser l’accès aux crédits à toutes les femmes et dans tous les secteurs d’activités liés à des potentialités économiques de leur zone de résidence.

Dans le domaine de la parité, il faut appuyer les politiques et programmes des femmes sur la scolarisation des filles et leur maintien à l’école, la formation des femmes en leadership et en alphabétisation fonctionnelle, ainsi que l’appui des structures consultatives existantes qui joueront réellement un rôle d’alerte et de suivi de toutes les questions relatives à la condition de la femme. Celles-ci devront refléter toutes les sensibilités sociopolitiques et économiques.

L’art est un outil politique puissant qui, en tant que tel, peut souvent jouer un rôle très proche de celui de l’activisme. Il existe en fait une pratique artistique particulière, appelée Artivisme. Personnellement, j’estime que l’art est plus efficace pour influencer un changement politique ou social par le jeu de ses propres règles, c’est-à-dire dans le contexte de la pratique artistique. Le thème des droits des femmes et leur participation au développement doit non seulement être abordé comme une fin en soi, mais aussi parce qu’il pose une myriade de questions sur la façon dont nous percevons la réalité et sur les raisons pour lesquelles nous devons contester le système qui régit la construction de notre humanité et de notre perception des choses.

Avez-vous un conseil spécial à l’endroit de la femme Tchadienne ?

Le message spécial que j’ai à adresser c’est de demander à la Femme Tchadienne de repenser sérieusement et de façon réaliste la question de l’autonomisation et celle de l’égalité des genres. Plus l’autonomisation est orientée vers l’économie, plus l’autonomisation politique et sociale se fera d’elle-même. Et les décideurs doivent prendre conscience qu’il y a un lien entre égalité de sexes, démocratie et développement durable. C’est pourquoi, l’une des priorités nationales relatives aux droits de l’homme devait être le droit des filles et des femmes, notamment ceux de l’éducation et de l’autonomisation.

Photo & propos recueillis par Salma Khalil